Voilà déjà une quinzaine de jours que le Marion est reparti d’Amsterdam, laissant derrière lui les petits jeunes de la mission 67 accompagnés d’une bonne partie de la mission 68 flambant neuve. On se découvre, on s’apprivoise, on rit beaucoup, l’ambiance est toujours au beau fixe et les blessures des séparations de l’OP ne sont déjà plus vraiment douloureuses. Les souvenirs sont omniprésents et pas un jour ne s’écoule sans qu’on ne pense « aux anciens », forcément, mais on sait qu’il nous faut profiter pleinement des derniers mois qu’il nous reste sur l’île et que le temps des retrouvailles viendra alors refermer totalement les cicatrices laissées par l’éloignement brutal.
Cet article va être consacré à la manip que j’ai effectuée en Août à Entrecasteaux.
Il a un peu tardé à venir pour la simple et bonne raison que le tri des photos a été très chronophage. Le chiffre ne surprendra pas ceux qui me connaissent le mieux (quoiqu’il a réussi à me surprendre moi-même) mais j’ai pris 1775 photos durant mon séjour à l’autre bout de l’île. Ca en fait un paquet à passer en revue et à trier pour n’en sélectionner qu’une petite portion à partager avec vous… ! Ce travail presque achevé, il est temps pour moi de l’accompagner de quelques mots 🙂 Je vais séparer l’article en 3 afin de ne pas trop le surcharger, les deux parties suivantes arriveront sur le blog rapidement !
Entrecasteaux, le mythe
Les falaises d’Entrecasteaux, situées au Sud-Ouest de l’île, se sont formées suite à l’effondrement de tout un flanc du volcan le long de deux grandes failles (voir l’onglet consacré à l’île en haut du blog). Elles abritent aujourd’hui des colonies de dizaines de milliers d’oiseaux : les albatros à bec jaune, les albatros fuligineux à dos sombre, et les gorfous sauteurs. Ces derniers sont les seuls représentants des manchots à Ams.
Aller à Entrecasteaux quand on hiverne sur l’île d’Amsterdam, c’est un peu LA manip que tout le monde veut faire, et ce pour plusieurs raisons :
Le cadre majestueux du site, au pied de plus de 700 mètres de falaises verdoyantes et avec sa cathédrale de basalte,
Les oiseaux, des centaines, des milliers, des dizaines de milliers qui volent en continu au dessus de vos têtes en été (là c’était l’hiver alors il n’y en avait quasiment pas),
L’accès restreint, la zone est protégée et réservée à la recherche, avec un nombre d’accès limité chaque année et accordés seulement aux VSC ornithos et à l’agent de la réserve naturelle « flore et habitat », aucune manip loisir n’y est autorisée,
Le transit, le plus exotique du coin avec ses mains courantes et sa via ferrata qui permet de descendre dans la falaise,
Les manips ornitho, Entrecasteaux étant le seul lieu où l’on peut approcher les becs jaunes, les fuligineux et les gorfous, soit trois des cinq espèces principales étudiées ici (avec les otaries et les albatros d’Amsterdam).
Cette année, le nombre de manips à Entrecasteaux a été pas mal réduit par rapport aux missions précédentes pour deux raisons : arrêt de certaines parties du programme ornitho, et maladie qui décime les albatros à tel point que plusieurs manip d’études ont dû être annulées faute d’oiseaux présents pour les effectuer. Il a donc été décidé d’un commun accord entre tous les membres de la 67 que, pour que chacun puisse mettre les pieds à Entrecasteaux au moins une fois, les hivernants qui devaient quitter l’île en premier y partiraient en manip en premier aussi. C’est pour cette raison que tout le personnel militaire et contractuel des TAAF, parti à OP2 il y a quinze jours, a participé aux manips entre Janvier et Mars. Ce n’est qu’en Juillet, lors de la manip suivante, que les premiers VSC IPEV ont pu commencer à s’y rendre.
But de la manip
Il y a eu une manip en Juillet, puis une autre en Août, toutes les deux sur le même thème et guidées par Marine : le retour à terre des gorfous sauteurs pour la saison de reproduction après des mois passés en mer. Des milliers de manchots remontent ainsi de l’océan jusque dans des colonies situées à plus de 100 mètres d’altitude. Les mâles remontent en Juillet, alors que les femelles ne remontent que le mois suivant.
Tous les ans, le VSC responsable du programme ornitho-éco de l’IPEV est chargé à cette période de compter le nombre de gorfous qui reviennent à terre, et d’effectuer des mesures biométriques sur 90 mâles et 90 femelles.
Oui oui, vous avez bien lu, compter les gorfous ! La chose est facilitée par le fait qu’il n’y a qu’un seul point d’accès vers les colonies depuis la mer : une petite plage située à 5-10 minutes à pieds de la cabane d’Entrecasteaux. Tout le reste de la côte est constitué de petites falaises impossibles à remonter pour les manchots. Ils s’engouffrent donc tous dans cet entonnoir naturel où, durant 10 jours de Juillet et 7 jours d’Août, ils peuvent apercevoir un petit humain perché sur son rocher avec un compteur à la main. Rassurez-vous, le comptage ne se fait pas H24 évidemment, mais de la façon suivante : De 7h du matin à 17h comprises (donc sur 11 créneaux de suite) il nous a fallu compter pendant un quart d’heure par heure. De 7h à 7h15, puis de 8h à 8h15, etc jusqu’au dernier créneau de 17h à 17h15. Une seule personne est nécessaire pour compter, mais comme nous étions trois à partir en manip ensemble (minimum autorisé pour la sécurité hors base, et maximum autorisé à la fois sur le site protégé d’Entrecasteaux), nous nous sommes réparti les créneaux de chaque journée pour n’en faire que 2 ou 3 chacun.
Le deuxième volet de la manip consistait donc en des mesures biométriques : il nous a fallu attraper (sans arrêter les comptages réguliers) 90 gorfous femelles en trois lots de 30 espacés d’un jour entre chaque. Pour chaque oiseau attrapé, Marine a mesuré la hauteur, la largeur et la longueur du bec, ainsi que la longueur des ailerons, puis a pesé l’animal avant de le relâcher.
Entrecasteaux, le transit
C’est le Dimanche 14 Août que nous avons quitté la base avec un jour de retard sur le planning faute d’une météo assez clémente la veille. Mes compagnons d’aventure ? Marine, obviously, et Pierre (ouvrier polyvalent arrivé à Ams à l’OP1, et reparti depuis sur l’OP2).
Le transit d’Entrecasteaux, avouons-le, me faisait peur. Si je l’avais déjà effectué en bonne partie en me rendant plusieurs fois jusqu’au Pignon, je n’avais encore jamais mis les pieds au-delà et surtout au niveau des mains courantes et via ferrata qui m’inquiétaient autant pour leur côté vertigineux que pour leur difficulté physique. Depuis neuf mois (et même avant, au séminaire de l’IPEV il avait été présenté comme le transit le plus dangereux des TAAF) j’entendais un peu tous les sons de cloches à son sujet, et en particulier le fait qu’il était le plus éprouvant physiquement. Vous savez comment c’est quand on a tant de temps pour cogiter, on s’en fait toute une montagne (grandissante au fur et à mesure des mois qui passent) et on s’imagine le pire.
N’étant déjà pas une grande sportive de base, je sortais en plus de plusieurs mois de faiblesses au niveau de ma cheville gauche entorsée et de mon genou droit souffrant, tant et si bien que le doc’ a attendu d’avoir des avis supplémentaires de spécialistes à la Réunion avant de me donner son feu vert pour que je puisse partir. C’est donc avec une bonne paire de bâtons de marche, une bonne boite d’antidouleurs, une attelle et une genouillère dans le sac au cas où, et une bonne dose d’auto-encouragements que je suis partie en ce Dimanche.
Les plus aguerris mettent 6h-6h30 pour rejoindre la cabane d’Entrecasteaux depuis la base Martin-de-Viviès. Ce jour-là, en prenant notre temps pour à la fois ménager mon genou et profiter du paysage en se posant à plusieurs reprises, nous avons mis un peu plus de 8h. Une fois n’est pas coutume, j’ai relégué l’appareil photo dans le sac à dos plutôt que de le porter en bandoulière, et j’ai donc beaucoup plus photographié avec les yeux qu’avec l’objectif. Nombreuses ont pourtant été les fois où la beauté des lieux aurait mérité un cliché…
Ce transit aura été une superbe surprise pour moi : beaucoup moins de peur et de mal que redoutés (pas difficile en même temps étant donné que je m’attendais au pire), aucune douleur ni à la cheville ni au genou, bingo !
Sur la toute fin du trajet nous nous sommes arrêtés un long moment au niveau de la plage de comptage, pour profiter une première fois des gorfous sauteurs slalomant entre rochers et otaries. Ce sont de vrais petits clowns, ils sont très comiques à observer, maladroits parfois dans leurs sauts et se rattrapant du bout du bec pour ne pas chuter entre deux rochers.
Puis il a été temps de rejoindre la cabane pour enfin se reposer, et prévenir la base par VHF que nous étions bien arrivés sains et saufs.
Dix jours hors du temps
La manip de Marine sur place devait durer 10 jours, mais pour permettre à plus de monde de venir à Entrecasteaux il était prévu une relève de manipeurs (Pierre et moi) au sixième jour : le Jeudi, Julien devait faire le transit avec deux autres manipeurs pour nous rejoindre, et repartir le lendemain dans l’autre sens avec Pierrot et moi pour rentrer sur base. Seulement la météo en a décidé autrement, des vents trop forts ces jours-là ont interdit tout transit et nous sommes donc finalement resté la même équipe du début à la fin : j’ai eu droit à dix jours d’Entrecasteaux pour le prix de 6 !
C’est ici que s’achève la première partie de votre virée à Entrecasteaux, la suite arrive très vite ! Pour vous faire patienter un peu, voici deux dessins que j’ai faits illustrant des anecdotes de mon séjour ^.^’
Après avoir pris le temps de lire et regarder les blogs des autres participants au concours (belles expériences et parfois de très belles photos !), je viens me ressourcer, encore une fois, sur Amsterdam 🙂
Trop chou les gorfous ! Entre drôlerie et élégance, leur look invraisemblable me plaît !
C’est fou ce que la Nature peut inventer…
Et courageux avec ça ! Affrontant les rouleaux et rochers d’Entrecasteaux pour revenir sur les sites de reproduction.
Avec ta tendresse et ton sens de l’humour habituels, tu en as fait de très belles photos.
Ton » Portrait studio pour trouver un gentil mari gorfou dans les colonies » est savoureux 🙂
Touchantes aussi ces jeunes otaries pleines de curiosité envers les nouveaux venus.
C’est une vie vibrante, intense, que tu nous fait partager !
Nouveau bain de jouvence réussi en terre d’Amsterdam : sensations d’espaces immenses permettant de desserrer l’étau du quotidien, reprise d’énergie au contact de cette Nature dynamique, sourire aux lèvres grâce à l’ambiance positive que ton regard apporte !
Merci…. C’est Marine qui m’a passé ton adresse. Les cabanes ont changé depuis mon hivernage, mais pas Entrecasteaux et ses occupants ! J’étais l’ornitho de la 39ième.
16 septembre 2016 at 13:10
Magnifique tu en a bien profiter quel souvenir pour toi pour la vie entière merci de tout
J’aimeJ’aime
19 septembre 2016 at 10:54
Coucou !
Après avoir pris le temps de lire et regarder les blogs des autres participants au concours (belles expériences et parfois de très belles photos !), je viens me ressourcer, encore une fois, sur Amsterdam 🙂
Trop chou les gorfous ! Entre drôlerie et élégance, leur look invraisemblable me plaît !
C’est fou ce que la Nature peut inventer…
Et courageux avec ça ! Affrontant les rouleaux et rochers d’Entrecasteaux pour revenir sur les sites de reproduction.
Avec ta tendresse et ton sens de l’humour habituels, tu en as fait de très belles photos.
Ton » Portrait studio pour trouver un gentil mari gorfou dans les colonies » est savoureux 🙂
Touchantes aussi ces jeunes otaries pleines de curiosité envers les nouveaux venus.
C’est une vie vibrante, intense, que tu nous fait partager !
Nouveau bain de jouvence réussi en terre d’Amsterdam : sensations d’espaces immenses permettant de desserrer l’étau du quotidien, reprise d’énergie au contact de cette Nature dynamique, sourire aux lèvres grâce à l’ambiance positive que ton regard apporte !
Merci 🙂 🙂 🙂
J’aimeJ’aime
12 octobre 2016 at 21:08
Merci…. C’est Marine qui m’a passé ton adresse. Les cabanes ont changé depuis mon hivernage, mais pas Entrecasteaux et ses occupants ! J’étais l’ornitho de la 39ième.
J’aimeJ’aime