Quelqu’un (qui se reconnaîtra très rapidement :)) m’a récemment partagé dans un email un tag qu’il avait observé sur un mur de la banlieue parisienne et qui lui avait fait penser à moi.

« Recherche bel avenir avec vue sur mer, tendresse et bienveillance, accessible pour un petit budget »

Cette phrase a tourné en boucle dans mon esprit pendant plusieurs jours (voire nuits), tourmentant un peu mes pensées… Est-ce injustice que je sois ici alors que d’autres ne verront jamais l’océan ?

J’ai, au fur et à mesure des années, de plus en plus conscience de la chance que j’ai de pouvoir voyager à travers le globe et découvrir tant d’endroits magiques. Ici encore plus qu’ailleurs je réalise que chaque instant passé en ces lieux est un privilège qui est offert à peu de monde, et malgré les mois qui passent je ne perds rien de l’émerveillement que j’ai pour tout ce qui m’entoure, croyez moi. J’espère vous communiquer un peu d’évasion, d’air frais, de Nature à l’état pur, j’espère vous donner de temps en temps l’occasion de faire une pause dans votre quotidien et de prendre le temps de respirer un grand coup, de vous rappeler que la course de tous les jours n’est pas tout dans la vie, que les nouvelles dont vous assomment les médias ne sont pas fatalité et que le Monde est Beau. C’est le but de ce blog, c’est le moteur de ma passion pour la photographie, c’est ce qui me motive plus que beaucoup de choses.

La Nature est exceptionnelle ici dans les TAAF, pour nous petits métropolitains. Partir en manip dans l’île est synonyme d’excitation, d’yeux grands ouverts, de tête balançant de droite à gauche pour observer le paysage et ne pas en perdre une miette en marchant.

Vous n’aurez peut-être, sûrement, jamais l’occasion de poser un pied sur l’île d’Amsterdam, mais cela ne doit pas en attrister un seul d’entre vous. Des endroits riches comme celui-ci, il en existe par milliers, par dizaines de milliers sur Terre, même près de chez vous. Ce qui vous paraît banal paraît merveilleux à l’habitant logeant à l’opposé du globe, il faut réapprendre à découvrir avec un regard nouveau, c’est déjà ce que j’essayais de faire avant mon départ. Pas facile je vous l’accorde, mais ça en vaut tellement le coup !

Voici dans cet article un petit bout d’évasion supplémentaire, qu’elle ne vous apporte que du bien ! 🙂

Retour à la Pointe de la Recherche

La balade / rando vers la Pointe de la Recherche est un bon compromis pour s’éloigner assez de la base pour être dépaysé tout en fournissant un effort physique minimal. Cette seconde visite pour moi vers les côtes Ouest de l’île avait au départ pour but d’aider Julien dans une manip resnat de suivi annuel de la population de chardons.

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Trajet de la manip, cliquez sur l’image pour la voir en grand !

Une fois arrivés sur place, nous n’avons malheureusement pas réussi à repérer les piquets marquant la zone d’étude, cachés par la végétation grandissante. La manip a donc été reportée, et est passée de professionnelle à loisir ! Nous avons pique-niqué comme prévu sur les falaises de la Recherche, et sommes revenus vers la base en passant par la Chaussée des Otaries et Pointe B.

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Falaises de la Pearl au loin.
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Julien et moi arrivant au cairn de la Pointe de la Recherche.
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Le voici ! Nous y cherchons un indice éventuel pour la chasse au trésor que nous ont organisée nos prédécesseurs sur toute l’île !
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Les coulées basaltiques fracassées par les éléments. On voit bien le caractère récent de l’île sur tout son pourtour. L’érosion est encore vive, les éboulis en gros blocs, pas de sable.
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Pups découvrant l’océan 🙂
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Déambulation sur la « plage » de rochers au milieu des pups. Cet endroit, à l’Est de la Chaussée des Otaries, fait un peu penser à notre MAE près de la base mais avec un côté beaucoup plus sauvage.

Plantation de phylicas

Nous y voilà ! LA  manip resnat par excellence, celle où vous vous sentez pousser des ailes d’écolo, de sauveur d’espèce, de serviteur de la planète, de … *ZBAFF* Bref, la replantation en milieu naturel de l’arbuste originaire de l’île et quasiment entièrement décimé par l’Homme : le phylica.

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Mini-trajet de la manip, plutôt localisation de la zone de plantation ! Cliquez sur l’image pour la voir en grand !

Il faut des années de soins dans la pépinière d’Amsterdam à un petit phylica pour grandir assez depuis l’état de graine jusqu’à celui d’un petit plant d’une cinquantaine de centimètres de hauteur prêt à vivre à l’état sauvage. Olivier, le responsable de la pépinière cette année, choisit les candidats parfaits et réfléchit ensuite à une zone propice à leur plantation. Elle doit être assez abritée du vent (pour qu’ils ne soient pas immédiatement couchés au sol par une forte bourrasque) mais pas trop non plus (le vent a pour conséquence de fortifier leurs branches et de les rendre plus résistants), avec une épaisseur de sol suffisante, pas trop de roches dans la terre, assez humide mais pas gorgée d’eau, suffisamment exposée au soleil, … bref tout un tas de critères ! Des phylicas ont été replantés à divers endroits autour de l’île par les missions précédentes, à Antonneli, au cratère Dumas ou près de la coulée Heurtin par exemple. Notre prochaine plantation aura lieu à la Pointe Del Cano tout au Sud de l’île ! Une sacrée manip avec transport des plants par hélicoptère depuis la pépinière lors du passage du Marion Dufresne à l’OP1 (dans 2 jours quand j’écris ces lignes, sûrement déjà passée quand je posterai l’article).

Mais cette fois-ci, 22 Février, le lieu choisi par Olivier était tout près de la base. Les plants ont pu être apportés grâce au tracteur, et il n’y avait plus qu’à ! Ce jour-là, nous avons planté 108 phylicas en une bonne demi-journée, à 6 personnes 🙂 Nouveau record !

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Olivier avait préparé le terrain quelques jours auparavant en dégageant toutes les herbes hautes et plantant des piquets orange à chaque futur emplacement de phylica. Il nous restait à 1) creuser un trou assez profond pour accueillir les racines de l’arbuste, 2) dépoter le phylica, 3) aérer ses racines qui étaient compactées dans le pot pour lui permettre de conquérir son nouvel environnement plus facilement, 4) le placer dans le trou et combler l’espace avec de la terre en la compactant le plus possible pour éviter que l’arbuste ne penche trop par la suite, 5) positionner à son pied un papier spécial évitant la pousse des mauvaises herbes.
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Julien vient de dépoter un phylica et malaxe la terre pour aérer son réseau racinaire.
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Phylicas plantés ! Chaque arbuste porte une étiquette avec un numéro d’identification (c’est le cas de tous les phylicas plantés sur l’île depuis des années), associé à des coordonnées gps qui sont ensuite entrées dans la base de données de la Réserve Naturelle. 10% d’entre eux seront suivis chaque année comme je l’avais fait dans une précédente manip que je vous présentais il y a quelques semaines.
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Moi-même en pleine plantation. J’ai vraiment apprécié cette matinée, comme tous ceux qui étaient présents je crois. Les conditions météo étaient parfaites, nous avons avancé dans le travail beaucoup plus vite que prévu et sommes même retournés à la base chercher des phylicas supplémentaires à planter.
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Le doc, Quentin et Julien au travail ! 🙂
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Les feuilles (dont j’ai oublié le nom..) empêchant la pousse de mauvaises herbes au pied des plants. Nous en profitions quand c’était possible pour faire passer les branches les plus basses sous terre et les faire ressortir un peu plus loin : cela permet parfois à la branche de créer ses propres racines et de devenir indépendante, formant un nouvel arbuste à part entière à côté du premier 🙂

Le sommet, enfin !

Le 28 Février dernier, après trois mois passés sur l’île, j’ai enfin et pour la première fois emprunté le célèbre transit d’Entrecasteaux qui monte vers les sommets du volcan. J’étais une des dernières (si ce n’est la dernière) à n’être encore jamais allée là-bas. Le transit porte le nom des falaises du Sud-Ouest de l’île car c’est celui qui mène à la via ferrata qui permet de les descendre pour se rendre à la cabane d’Entrecasteaux située au pied des colonies d’albatros à bec jaune et d’albatros fuligineux. Cette fois-ci je ne suis pas allée jusqu’à Entrecasteaux (les accès, comme pour le Plateau des Tourbières, y sont très réglementés et réservés à la recherche scientifique), mais me suis arrêtée au point de vue du Pignon. Sur notre trajet, nous en avons profité pour monter au sommet de la Dives, point culminant de l’île d’Amsterdam du haut de ses 881 m d’altitude.

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Trajet de la manip, à la journée. Depuis la base, nous montons pendant plusieurs heures sur les pentes du volcan, d’abord douces puis plus raides, jusqu’à atteindre la Caldeira. Là nous la contournons par le Sud car son centre fait partie de la zone protégée du Plateau des Tourbières. Nous avons fait un crochet par la Dives, avant de nous rendre jusqu’au Pignon qui surplombe les falaises d’Entrecasteaux. Au retour nous avons emprunté le même chemin, sans refaire de détour par la Dives. Cliquez sur l’image pour la voir en grand !
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En cours de matinée, dans la montée vers la Caldeira, regard en arrière vers l’océan.
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Durant le transit nous suivons le chemin bien marqué par les passages d’hivernants depuis des dizaines d’années. Il faut éviter au maximum d’en sortir pour ne pas endommager la flore. Après avoir longé pendant un moment l’ancienne clôture des vaches, le panneau « Entrecasteaux » nous indique qu’il faut bifurquer vers la gauche !
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Photo de manip en cours de route ! Quentin l’informaticien et Laurent l’électricien m’accompagnent 🙂
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On remet ça à la Mare aux Canards, arrêt traditionnel sur le transit pour se reposer deux minutes avant de continuer pour la dernière ligne droite vers la Caldeira.
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Nous voici enfin arrivés à la Caldeira ! Depuis le temps que j’en entendais parler sans jamais l’avoir vue de mes propres yeux… Nous avons débouché face à ce spectacle alors que je ne m’y attendais pas, et c’est en levant les yeux l’air de rien que j’ai découvert ce paysage qui m’a laissée bouche bée. Ma première réaction a été « j’imaginais ça tellement plus grand, en fait c’est tout petit ! ». Pas dans un sens négatif, mais j’ai réalisé un peu plus encore à quel point notre caillou est menu. La grosse bosse au centre est le cratère du Museau de Tanche, et juste à sa gauche au loin on voit la Dives (sommet de l’île). Nous allons suivre la crête qui y mène par la gauche de la photo. Laurent passe une com radio au BCR pour lui indiquer que nous avons atteint la Caldeira sans encombres.
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Alors que nous avons commencé à gravir la crête, nous prenons de la hauteur sur la Caldeira. On voit au loin deux barres rocheuses, marques de l’effondrement de la chambre magmatique sur elle-même en fin d’éruption.
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La météo est de notre côté, grand soleil et pas de vent !
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On voit ici à nouveau les deux barres rocheuses concentriques formant comme un escalier dans le paysage.
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Quentin, la Dives, la Caldeira 🙂
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La lumière vive donne un ton légèrement violet aux nuages proches de l’horizon. Nous regardons ici plein Sud.
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Océan à perte de vue.
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Voici que le Fernand pointe le bout de son nez là bas au fond, avec sur sa crête le relais radio que l’on distingue à peine, point blanc se détachant sur l’océan.
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Détails.
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Le Lac Bleu, au cœur de la Caldeira.
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Sur l’arête Sud du Mont Fernand, les Trois Demoiselles se dressent vers le ciel.
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Voici donc le relais radio, canal 26 !
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Nous sommes au sommet de la Dives, enfin !! Quentin observe les contreforts du Fernand aux jumelles.
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Détails, skuas prenant leur bain en bas dans la Caldeira.
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Panorama 360 ° pris depuis le sommet de la Dives (cliquez sur la photo pour l’ouvrir en plus grand). Cet endroit est le seul lieu sur l’île depuis lequel, où que l’on regarde, on voit l’océan. Il se dit qu’il n’y a qu’ici qu’on prend vraiment mesure de l’isolement dans lequel nous sommes, d’à quel point ce morceau de roche qui nous accueille est insignifiant, de l’immensité et du caractère infini des eaux qui nous entourent…
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La partie du transit qui va de la « base » de la Dives au Pignon est équipée de caillebotis (mon Dieu je n’ai aucune idée de l’orthographe de ce mot que j’écris pour la première fois de ma vie, Word a l’air d’accepter celle-ci…). Le sol y est en effet bien spongieux, et cela permet à la fois un plus grand confort pour nous (on ne s’enfonce pas dans 30 cm de boue à chaque pas) et surtout de préserver la végétation et en particulier les mousses.
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Les caillebotis, direction le Pignon !
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Le Fernand, avec les Trois Demoiselles sur sa crête descendant à gauche, domine tout le Plateau des Tourbières où nichent les albatros d’Amsterdam.
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La Rambarde, surplombant les 700 m de chute vertigineuse des falaises d’Entrecasteaux !
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Cette découpe si abrupte me fascine…
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Un albatros fuligineux, espèce qui tient son nom de la couleur très sombre de son plumage.
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On les appelle dans le langage courant les « fulis » 🙂
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Depuis le Pignon, fuli sur océan.
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La cabane d’Entrecasteaux, et la Cathédrale (ce piton rocheux qui avance sur la mer). Les colonies d’albatros nichent dans les pentes à droite, sur toute la hauteur des falaises.
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Vue d’ensemble depuis le Pignon. Cathédrale, Rambarde, Fernand, Plateau.
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Détails des falaises, avec quelques oiseaux en vol. La plupart des oiseaux étaient déjà partis lorsque j’ai fait ma manip, mais durant les mois de Printemps (Automne pour vous) ils sont des dizaines, des centaines de milliers à voler ici.
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Perdre son regard dans l’infini…
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Duo de fulis 🙂
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Fuli à travers herbes.
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La Cathédrale sous une autre lumière, majestueuse. C’est sur la plage de rochers que l’on voit que les pups sont aussi comptés un par un comme je vous l’expliquais dans mon article précédent.
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Un albatros d’Amsterdam !
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Alba d’Ams sur fond de Rambarde ❤
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Alba d’Ams sur fond de Plateau des Tourbières 🙂
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Douce contemplation…
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Un dernier pour la route !
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La Pointe Del Cano, au Sud de l’île, visible depuis le Pignon !
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J’ai, comme à mon habitude, mitraillé à n’en plus finir. Vous vous en sortez bien avec seulement 2 photos d’ensemble ! :p
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Photo de manip au Pignon ! Cliquez sur la photo pour l’ouvrir en grand.
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La Caldeira sur le chemin du retour, le Museau de Tanche au fond, la crête qu’on suit sur la droite.
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La Dives, les barres, le Museau de Tanche, dernier regard…
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La redescente vers la base sur les flancs de l’île est longue après une journée de marche !
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Retour à la maison 🙂

Vous aurez finalement peut-être cet article pendant l’OP1, j’ai été assez rapide pour le finir avant le rush. C’est dimanche soir, demain le Marion arrive ! Bises à tous, prenez soin de vous.

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