Bien le bonjour,
On se retrouve aujourd’hui pour la suite et fin du récit du retour à bord du Marion Dufresne !
L’océan
Si j’ai grandi en passant régulièrement mes vacances en Bretagne, sur les terres de mes racines familiales, je n’ai pour autant jamais « habité à la mer » jusqu’à cette année. Cependant l’océan Atlantique a accueilli mon regard perdu et mes pensées durant tant d’heures qu’il serait insensé de tenter de les quantifier. L’immensité des eaux a toujours eu sur moi ce côté apaisant, rassurant, loin de toute l’agitation humaine et ramenant mes tergiversations cérébrales tourmentées vers l’essentiel, la Terre, la Vie.
En 2016, pas une seule journée ne s’est écoulée sans que je n’aie eu dans mon champ de vision l’océan Indien. Pas une seule. Ajoutez à cela le début de l’hivernage en 2015 et le séjour à la Réunion sur le retour en 2017 (moins une journée de flemmardise totale passée à l’appartement sans sortir, soyons 100% honnête), j’ai passé plus de 14 mois avec une ouverture quotidienne sur l’horizon bleu. Plusieurs fois durant l’année, et de plus en plus avec la fin de l’aventure approchant, je me suis demandée si cela allait me manquer à mon retour. Bizarrement la réponse n’était pas claire. A cette question silencieuse suivait en général une rotation de ma tête vers l’océan, dans les eaux duquel j’ancrais mon regard avec la profonde envie de répondre OUI. Mais ce oui ne venait pas avec la force désirée. Je n’arrivais pas à me rendre compte, même en cherchant à le faire, d’à quel point cette présence était importante pour moi.
A mon retour de la Réunion j’ai passé une semaine en région parisienne sans que ne me revienne à l’esprit cette question de la proximité des eaux. Si elle m’a manqué pendant cette courte période, je ne l’ai pas identifié en tant que tel. Comme pour chaque hivernant de retour pourtant, les premiers temps ne sont pas si simples à gérer. Un malaise de fond qu’on ne sait pas vraiment expliquer. Mais cette semaine j’ai la chance de m’évader une dernière fois de métropole avant d’y ré-ancrer ma vie, et il y a deux jours je me suis retrouvée face à un paysage d’océan Atlantique que je n’avais encore
jamais vu. Un paysage d’eau ? Waterscape disent les anglais. J’aime ce mot.
Toujours est-il que j’ai fait deux pas en avant et me suis trouvée à surplomber une petite plage de galets volcaniques sur laquelle venaient rouler des vagues chantantes. J’ai levé le regard et devant moi de l’eau, que de l’eau. Je ne saurais décrire ce qu’il s’est passé en moi, mais je me suis sentie instantanément libérée d’un poids intérieur dont je ne suis même pas sûre d’avoir eu conscience depuis mon retour. Je me suis sentie bien, profondément bien et apaisée à la vue de ce décor familier. Un peu comme.. à la maison.
Une dernière étape par Maurice
Nous nous étions quittés à Tromelin, détour au Nord deux jours avant l’arrivée du Marion Dufresne à la Réunion. Voilà 6 jours que nous avons quitté Ams, c’est encore un peu le brouillard dans le cerveau et je me concentre sur l’instant présent, passe mon temps sur le pont supérieur à sentir le soleil réchauffer ma peau, et tente de ne pas trop réfléchir à la civilisation qui approche à grands pas.
La vie grouille tout autour de nous, nous finissons par trouver un taxi à 6 places passagers, et en quelques minutes nous nous retrouvons sur la voie rapide. Je suis à la fenêtre et regarde défiler le paysage sous le soleil couchant. J’essaie de réaliser, même les choses les plus futiles comme « c’est la première fois en 15 mois que je me déplace aussi rapidement sur Terre ». Ça décroche des sourires, qui s’évanouissent un peu lorsque l’esprit se retrouve rappelé par Ams comme un aimant à son frigo. C’est pas facile.
Sur l’île nous redécouvrons les moustiques, petits êtres totalement oubliés par mon cerveau pendant un an, et qui viennent gentiment se rappeler à moi et principalement à mes mollets. Il y a aussi des chiens, partout, errant dans les rues comme dans tant de pays d’Asie. Des panneaux publicitaires partout, et c’est ça qui me marque le plus. Trop de choses dans mon champ visuel, trop de pollution bétonnée, et damn… j’ai drôlement faim de guacamole ! Ça fait un an que j’ai faim de guacamole.
RUN
La dernière soirée à bord du Marion Dufresne a été festive et la nuit bien courte. Dernier petit-déjeuner à bord alors que par les fenêtres se dessine déjà le Port de la Réunion. On y est… Très vite le bateau est à quai, mais nous n’avons pas l’autorisation de descendre tout de suite. Je sors sur le pont inférieur et suis attaquée par une bouffée de chaleur si lourde qu’elle me laisse sur place pendant de longues secondes. Il n’est pourtant que 8h du matin, comment est-ce possible ? Sans bouger, je transpire déjà à grosses gouttes. J’ai peur pour les trois semaines qui nous attendent !
Alors que je m’apprête à rentrer au frais à nouveau, tout un groupe de journalistes est invité à monter à bord et emprunte la passerelle d’accès. Caméras, micros, carnets, appareils photos, tout y est. La seconde d’après, Kito est là, prêt pour les interviews auxquelles il sait qu’il ne coupera pas.
La suite de la journée est épuisante, tant à cause de la météo que psychologiquement. Nous disons au revoir à beaucoup de monde, même si la plupart d’entre nous restons sur l’île pour quelques temps et serons amenés à nous recroiser. Avec Guillaume et Quentin, il nous faut ensuite réussir à rejoindre l’aéroport de Saint-Denis où notre voiture de location nous attend, et nous enchaînons pour cela plusieurs bus avec nos 40kg de bagages chacun dans les bras. Avec soulagement nous réussissons à tout caser dans notre petite Polo, Guillaume prend le volant et c’est parti pour une nouvelle étape du retour. Nouveau défilement de paysages par la fenêtre, nouvelles vagues de nostalgie en tête. L’esprit n’est pas vraiment à la Réu, mais à quelques milliers de kilomètres de là.
C’est en fin d’après-midi seulement que nous prenons enfin possession de notre tout petit appartement qui sera notre abri pour plusieurs semaines.
Ce n’est pas la fin
Cet article est le dernier relatant mon aventure. Vous aurez sûrement remarqué qu’il a tardé à venir… Le fait est que je n’arrive plus trop à écrire, pour le moment. Ça venait beaucoup plus facilement quand j’étais sur place, maintenant c’est évidemment différent.
Mais une chose est certaine, c’est que j’ai été submergée tout au long de l’aventure par énormément d’amour de Votre part à tous, famille, amis, connaissances et parfaits inconnus, à un niveau que jamais je n’aurais imaginé avant mon départ. Vos messages m’ont portée cette année, et m’ont poussée à prendre conscience de la chance que j’avais et à en profiter au mieux. Merci, du fond du cœur merci.
Les premiers temps du retour sont ceux de la nostalgie et du vrac dans la tête, c’est une étape à passer avant de pouvoir se repencher sur tout ça avec rien d’autre que de la joie. Mais je ne vous oublie pas, il y aura d’autres articles sur ce blog avec quelques surprises pour vous, c’est une promesse. Gardez un œil par ici, j’espère que ça vous plaira.
À bientôt,
7 février 2017 at 20:04
😉
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7 février 2017 at 22:09
Bon vent, Isabelle ! Tu as entretenu mon rêve avant l’OP 4 de ton retour, et je t’en suis très reconnaissant. Et si le coeur t’en dit, tu peux m’envoyer un petit mot…
Bises très cordiales.
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8 février 2017 at 00:37
Quelques vers exfiltrés du voyage de Baudelaire
« Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.
Dites, qu’avez-vous vu ? »
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8 février 2017 at 11:01
Bonjour Isabelle,
Je vais prendre votre relais à bord du Marion dans un mois et demi pour une aventure plus courte et bien différente.Je suis bien impatient d’y être ! Mais pour l’avoir déjà vécu sur d’autres navires, je partage complètement ces moments d’incertitude et de flottement que vous avez ressentis à la veille de débarquer.
Bonne suite pour vous et merci encore pour ce blog si passionnant.
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8 février 2017 at 11:31
Bonjour Isabelle,
Je voulais te remercier pour ton blog, qui m’a permis de « retourner » à la maison, sur Ams, à chaque fois le temps de sa lecture.
Bon vent à toi, que tes projets futurs soient à la hauteur de cette expérience 🙂
Joëlle
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8 février 2017 at 12:03
Je ressantais les méme engoisse que toi de retour a la civilisation. Un peu perdu dans ce monde qui bouge dans tout les sens loin du calme d’ams .Les vacances réunionaise serviront de marche avant la métropole. Merci pour articles toujours aussi intéressant. Si un jour tu passe par Lyon mon épouse et moi nous serions heureux de te resevoir pour parler de cette aventure. 😊😊😊
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8 février 2017 at 16:44
Bonjour Isabelle, j’ai eu la joie de vous rencontrer à bord du Marion et pouvoir vous remercier de vive voix pour ce magnifique blog qui m’a permis de vivre « par procuration » l’aventure de mon fiston !!! par le récit de vos aventures, j’ai pu ainsi rêver et « voyager » … vos articles vont me manquer … Je vous souhaite « bon vent » et que vos futurs projets soient à la hauteur de cette si belle expérience de vie !! permettez moi de vous embrasser et peut-être à bientôt !!!
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9 février 2017 at 16:25
C’est incroyable comme chaque post ravive le souvenir des anciens, sur le caillou, avec ses images encore si présentes, ses textes si instructifs et émouvants : ça fait un bien fou !
Merci encore.
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26 mars 2017 at 10:38
Tu nous manques
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