Voilà, ça commence. Enfin.

Un pied dans l’aventure, et la tête qui y est déjà partie sans crier gare. Je vais tenter de vous donner un aperçu de ce qu’ont été ces quatre jours passés à Plouzané non loin de Brest, où se situe l’Institut Polaire Français Paul-Emile Victor. J’ai reçu tellement d’informations et rencontré tellement de gens en si peu de temps que j’ai du mal à avoir les idées claires..!

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Je m’excuse si cet article est un peu long, j’ai hésité à le partager en plusieurs posts mais préfère au final garder le tout regroupé. J’essaie d’habitude de faire court pour ne pas vous ennuyer.. mais promis il y a des images! 😀

Le départ pour la Bretagne

Dimanche midi, ma valise et moi débarquons gare Montparnasse d’où un TGV doit nous mener plein ouest. Voilà déjà plusieurs semaines que je communique par emails avec les autres volontaires au service civique qui vont partir sur l’île d’Amsterdam pour un an, et avec le futur médecin de la base. Cinq personnes en tout, que je vais rencontrer pour la première fois aujourd’hui. L’attente n’est pas longue, car deux d’entre eux prennent aussi le train de Paris. À peine arrivée à la gare je reçois un message de Guillaume me disant qu’il est sur place aussi et on se retrouve à renfort de « j’ai un sac à dos orange et noir! » et « lève le bras pour voir si c’est toi que je vois? ».

Quelques minutes de discussion plus tard, sur le quai, c’est notre médecin Nicolas qui nous rejoint. Il arrive directement de sa formation à Chamonix avec ses collègues médecins qui partiront sur les autres districts et le bateau Marion Dufresne. Nous sommes tous placés dans des wagons différents, 14h08, le train démarre.

L’arrivée prévue à 18h40 à Brest s’est finalement faite à 20h33 suite à un détour par Nantes et un changement de train entrainés par la fermeture complète de la voie entre Le Mans et Laval après un accident. Qu’à cela ne tienne, même si le temps est un peu long Guillaume, Nicolas, d’autres médecins et moi nous retrouvons au wagon-bar pour discuter des heures durant. On se découvre les uns les autres, et je sens déjà que l’aventure va être forte. En arrivant enfin à Brest, je me rends compte que nous étions en fait bien nombreux dans ce train à nous rendre au séminaire..! Du personnel de l’IPEV et un bus nous attendent, direction Le Conquet où se trouve le village vacances.

J’ai partagé mon chalet avec 4 autres personnes: Madeleine (que j’avais croisée lors de la visite médicale et psychologique en Juin dernier) et Côme qui partent à Kerguelen en tant qu’écobios, Emmanuelle qui part à Crozet en tant qu’ornitho, et Guillaume qui vient avec moi à Amsterdam en tant que chimiste CO2.

Éclipse de Lune

Dans la semaine avant de partir, par échange de mails avec mes futurs collègues ‘amsterdamiens’, nous avions prévu de nous lever dans la nuit de dimanche à lundi pour assister à l’éclipse de Lune. Par chance, le ciel était parfaitement clair au-dessus de la Bretagne (et il le restera d’ailleurs toute la semaine, grand soleil et pas un seul nuage!).

Ainsi, à 4h11 du matin le réveil nous tire de nos lits, et nous ne sommes pas les seuls. D’autres futurs hivernants d’autres districts ont aussi tenu à assister au spectacle! Nous sortons en pyjamas dans le froid, attrapons des chaises de jardin sur les terrasses des bungalows et allons nous asseoir dans l’allée du village vacances pour admirer le ciel.

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Éclipse de Lune depuis notre village vacances au Conquet

À près de 5h du matin je retourne me coucher parmi les derniers. Le réveil sera dur 2h plus tard…!

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Le séminaire

Les journées ont été bien chargées, avec des conférences de 9h du matin à 18h30 lundi, mardi et mercredi, plus une demi-journée jeudi. Se sont adressés à nous le directeur de l’IPEV, la préfète des TAAF, le dirigeant de la réserve naturelle des TAAF, des scientifiques conduisant des programmes sur place, des personnels de l’IPEV présentant les différents aspects de l’aventure dans laquelle nous nous engageons, et d’autres encore. J’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé l’ensemble, poussée par la soif d’en apprendre et en découvrir plus sur ce monde qui s’ouvre à moi.

Quelques points en vrac que je partage avec vous :

  • Les Terres Australes et Antarctiques Françaises sont la plus grande réserve naturelle de France (elle représente plus de 80% du total!),
  • Il n’y a aucun habitant dans les TAAF, ce qui rend ce territoire unique en son genre. La réserve est donc dirigée directement par l’État,
  • Le périmètre de la Base Martin de Viviès où je vais habiter représente 0,5% de la surface de l’île d’Amsterdam,
  • Les îles subantarctiques françaises (Kerguelen, Crozet, St Paul et Amsterdam) possèdent la plus grande concentration d’oiseaux au monde! 25 millions d’oiseaux à Crozet (pour une 20aine d’hivernants :D), 25 millions d’oiseaux sur Kerguelen!
  • 97% de la biodiversité de France est située en outre-mer,
  • Les subantarctiques sont peuplées d’espèces animales et végétales endémiques, uniques au monde, et extrêmement fragiles.
    • Exemple numéro 1 : les mousses au sol n’ont jamais été habituées à être piétinées par l’Homme contrairement à celles qu’on trouve chez nous. Par conséquent, il suffit de marcher une fois dessus pour les tuer et elles mettent très longtemps à s’en remettre, voire ne s’en remettent jamais.
    • Exemple numéro 2 : l’île d’Amsterdam abrite une colonie d’albatros appartenant à une espèce uniquement présente ici et nulle part ailleurs, qui ne compte que 33 couples reproducteurs.
    • Exemple numéro 3 : à Kerguelen il existe une espèce de mouches… sans ailes! Les vents sont si violents sur l’île qu’elles se laissent porter par eux.
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Petit port du Conquet, village où nous logions
  • Malgré les précautions prises pour éviter tout apport d’espèces invasives via les bateaux et les hivernants, il y a encore une moyenne d’1 espèce importée tous les 2 ans..
  • La Réserve Naturelle des TAAF a un statut de protection très fort, suite à la loi du 3 Octobre 2006 on ne peut plus du tout pénétrer sur une grande partie du territoire (c’est le cas par exemple de l’île de St Paul),
  • Je me suis servie pour la première fois de ma vie d’extincteurs lors d’exercices incendie. Extincteurs à eau, à CO2 ou à poudre, nous les avons tous testés sur des feux et appris dans quelles conditions les utiliser,
  • Sur l’île, mes appareils de mesures atmosphériques sont situés à une demi-heure à pied de la base, je ferai le trajet quotidiennement en compagnie de Guillaume qui mesure le CO2. Sur place nous aurons à monter régulièrement le long d’une échelle de 20 m de hauteur, ainsi classée en « site montagne » dans la loi et nous obligeant à nous harnacher.
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Quelques nuits après l’éclipse, la Lune toujours superbe depuis le village vacances
  • L’île d’Amsterdam est l’île la plus isolée du monde, et possède l’air le plus pur du monde. Les mesures de mercure que je vais effectuer montrent jusqu’à maintenant une valeur quasi constante de 1 nanogramme par mètre cube d’air, ce qui correspond à la valeur naturelle sans pollution. Même en Antarctique on ne trouve pas une telle pureté. Ces données collectées par mes prédécesseurs et que je vais étendre sur une année supplémentaire sont donc une référence de signal de fond à l’échelle mondiale pour les scientifiques,
  • Le Traité sur l’Antarctique fait du sixième continent un « territoire dédié à la paix et la science ». Tout un tas de règles spéciales s’y appliquent. Sachez par exemple que, contrairement à l’Arctique, il est formellement interdit aux chiens de traineau de poser un pied en Antarctique 🙂
  • S’il faut 48h aux astronautes pour être évacués de la station spatiale en cas d’urgence, il faut compter 8 à 10 jours pour être évacués des îles subantarctiques! L’isolement poussé doit nous forcer à être bien plus prudents qu’en ‘temps normal’, pas question de se casser quoi que ce soit,
  • La France va devenir incessamment sous peu (mais je ne me souviens pas suite à quoi) le premier territoire marin au monde.

Des rencontres et mes futurs colocs

Si j’ai aimé tout ce que j’ai appris au cours de la semaine, j’ai adoré les rencontres que j’ai faites jour après jour. Le séminaire rassemblait tous les futurs hivernants et campagnards d’été 2015-2016 des 5 districts (3 subantarctiques et 2 antarctiques) déployés par l’IPEV, et cela fait du monde (cf photo de couverture). Ce n’est pas là la totalité des gens partant dans les TAAF, seulement celles employées par l’Institut Polaire. D’autres sont employées par les TAAF directement et ne participaient donc pas à ce séminaire. Ainsi par exemple, la majorité des personnes qui hiverneront avec moi sur Amsterdam (militaires, chef de district, etc) viennent déjà d’arriver sur l’île. (si vous êtes perdus dans les sigles, je vous invite à relire cet article) (Je vais poster très vite un article expliquant qui arrive quand sur l’île)

Le temps est passé bien vite et je n’ai pas eu l’occasion de discuter avec tout le monde, malheureusement. Les échanges ont été très intéressants et enrichissants, commençant de façon quasi-exclusive par les quelques mots suivants:

« Salut, tu vas où toi? »

« Ker et toi? »

« Ams. »

« Tu vas faire quoi? »

« Ornitho, programme (insérez un numéro que je ne retiens jamais) et toi? »

« Mercure dans l’atmosphère. »

« Ker » pour « Kerguelen », « Ams » pour « Amsterdam », « Cro » pour « Crozet », « DDU » pour « Dumont d’Urville », « DC » pour « Dôme C » aussi appelé « Concordia », le jargon de base est déjà sur toutes les lèvres, et ça n’est qu’un début. J’avais lu sur le blog d’un ancien hivernant sa sensation de se retrouver enfin entouré de gens qui ne se demandaient pas pourquoi il avait choisi de partir, parce que tous comprenaient et avaient fait le même choix. C’est vrai d’un certain côté, mais pourtant c’est aussi l’une des questions qui m’a été la plus posée et que j’ai le plus posé. Et j’ai adoré les réponses.

J’ai rencontré des personnes de tous âges, de toutes professions avec parfois des parcours passionnants, et partageant tous le goût pour l’aventure et le petit chouilla de folie qui pousse à partir s’isoler au bout du monde pendant si longtemps. Je me suis surprise à discuter sans plus m’arrêter à plusieurs reprises, heureuse au fond de moi de partager autant avec autant de gens.

Et j’ai en particulier rencontré une partie de mes futurs compagnons d’aventure, les voici les voilà:

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Une partie de la mission Ams67 (le reste étant déjà arrivé sur l’île)! Je profite de cette légende pour vous faire remarquer que sur le blog certaines des photos sont « cliquables » et s’ouvrent alors en plus grand dans une nouvelle fenêtre. C’est le cas de celle-ci 😉 (Photo cred: IPEV)

L’un d’entre eux ne restera malheureusement que 6 mois, pour une longue campagne d’été (les campagnes d’été ne durent pour certains qu’un mois), il repartira en Avril. Les autres vont passer plus d’un an avec moi.

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De gauche à droite : Quentin, Guillaume, moi, Nicolas, Nicolas, Marine et Boris.

Chacun a des connaissances dans son domaine que je n’ai pas, et j’ai hâte de partager avec eux et de découvrir petit à petit qui ils sont. Nous avons déjà pas mal échangé lors de ces quelques jours, et ça n’augure que du bon 🙂

Si je ne devais retenir que trois points de ce séminaire, ils seraient les suivants:

  1. Sécurité. Tout au long de la semaine cela nous a été dit, redit, et rabâché! Nous devons être prudents sur le terrain, signaler toute excursion hors base, être accompagnés quand on quitte le périmètre sécurité, s’harnacher dans certains lieux, ne jamais randonner de nuit, ni par trop mauvais temps, … Tout a l’air très bien organisé, et ça a un côté très rassurant. J’imagine qu’une fois sur le terrain les choses sont un peu différentes, mais le cadre est posé, on est bien entourés. Chaque personne de l’IPEV nous a répété qu’on peut leur écrire à tout moment pour n’importe quoi. Il y a tout un tas de règles pour que l’aventure se passe dans les meilleurs conditions. Mais en même temps, l’autonomie nous est laissée et il nous a aussi été répété à de nombreuses reprises que nous serons les seuls maîtres de nos actions: si, le jour de la manip la plus importante de toute l’année, pour une quelconque raison j’estime qu’il est trop dangereux de la faire, alors je ne la fais pas, et personne ne pourra me le reprocher. Safety first, science follows.
  2. Privilège. Celui de fouler ces terres du bout du Monde qui explosent de biodiversité, se démarquent par leur beauté et leur rareté. Je n’arrive pas à réaliser la chance que j’ai. L’amoureuse de la Nature que je suis risque d’être comblée.. (:
  3. Rencontres humaines. Des gens qui partagent le goût de l’aventure, et qui en quelques discussions m’ont déjà enrichie. L’aventure va être humaine avant tout, et c’est avec impatience que j’attends le départ.
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Take a moment and see.

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